A l'abordage
Défi N° 90" "un mot pour un autre"
Sous la Houlette de Suzâme
Mes hormones et neurotransmetteurs montrent avec l’âge certains signes de défaillance, m’amenant régulièrement à des erreurs d’aiguillage et pas plus tard que la semaine dernière, ces deux là, à mon insu, se sont une fois de plus accordé quelques fantaisies!
Je le savais pourtant, qu’il me fallait être sur mes gardes et que ce type de soirée et mondanités allaient vite les gonfler mais Lisbeth mon amie, avait tant insisté pour que je l’accompagne, que j’avais fini par céder! Mais que diable allais-je faire dans cette galère- je vous le demande- et surtout, que faisait mon amie, avec ce Monsieur Marc Antoine Dugland -voila que ça leurs reprend- Dubrand de La Bénardière, dont les seules préoccupations étaient sa Bugatti et son bateau de croisière!
A notre arrivée, le décor était déjà planté : beau monde, petits plats dans les grands plats, toasts raffinés, champagne à volonté et snobisme affiché avec des « ma chère » et « des autant que faire se peut » long comme le bras ! Inutile de vous dire que je n’étais pas dans mon assiette, d’autant que Monsieur, venu nous chercher en voiture avec à son bord, une espèce d’ostrogoth mal rasé, s’essaya sur le trajet à quelques pointes de vitesse, montant son bolide à plus de 230 km au compteur !
Agglutinés autour de coupes de « veuve Clicquot » qui n’en finissaient pas de se remplir et de petits fours croustillants au foie gras, aux œufs de lump ou à la truffe à la croque de sel, je fis comme on dit, contre mauvaise fortune bon cœur, tentant tant bien que mal, de m’associer aux palabres de mes voisins et voisines de droite comme de gauche. Mon ostrogoth, sorte de vieux bouc cramoisi, inhabité de toute finesse, me collait sérieusement aux basques, ce qui avait le don de m’agacer !
Lisbeth, pourtant habituée au défilés mondains, puisque dans le mannequinat, ne semblait pas plus inspirée que moi. Perdue au milieu des bernaches qui entouraient son « Dubrand de la Bénardière » -remarquez comme je l’ai bien dit cette fois - elle avait cet air que je lui connaissais bien et qui voulait dire : « qu’est ce qu’on fout là! »
Les vapeurs d’élixirs commençant à faire de l’effet, les conversations perdirent peu à peu de leur élégance. Les « ma chère » se transformèrent au fil de la soirée en « tu as vu l’autre blondasse …. » et en radio potins du coin ou radio gratin du con !
A une heure déjà bien avancée de la nuit, Anne Sophie de -Je ne sais plus quoi -suggéra au groupe d’aller au « Macumba », l’une des boîtes les plus branchées de la région! Profitant de l’effusion générale, après avoir salué Lisbeth qui s’ennuyait comme un rat mort, je fis discrètement appel à un taxi, bien décidée cette fois à m’éclipser. C’était bien sûr sans compter sur mon astro urticant qui, me voyant détaler, me héla au passage!
- Voyons ma chère, vous n’allez pas nous quitter si vite ! La nuit ne fait que commencer ! »
Bien que l’irritation fût à son comble, tant il me serrait de près, je m’efforçai de lui répondre avec délicatesse et courtoisie.
- Je suis vraiment navrée, Jean Charles -c’était son nom- ! J’ai une dure journée qui m’attend et je suis épuisée !
- Enfin ma chère, insista t-il, m’harponnant encore d’avantage, vous n’allez pas vous dérober ainsi ! Venez au moins saluer Marc Antoine et prendre un denier verre avec nous.
- N’insistez pas Jean Charles…
- Allez, venez …
Mes neurotransmetteurs et hormones qui jusque là, s’étaient à peu près bien tenus, montrèrent alors quelques signes d’agitation et perdirent soudainement tout contrôle!
- Mais allez vous me laisser tranquille à la fin! Lâchez moi et saluez pour moi Monsieur Du Gl… euh ! Du grand … de la béta…. Oh puis zut, Du con ! Monsieur du Gland de la bétaillère … ainsi que ses bernaches !
Tournant les talons sans attendre mon reste, Je ne saurais vous dire les sentiments qui m’habitèrent alors : colère, soulagement, honte, remords … Tout était si confus !
A ma grande surprise, Lisbeth me rejoignit quelques instants plus tard, en riant aux éclats, ce qui instamment me réconforta.
- Quelle soirée tout de même! J’espère qu’il y a de la place pour deux dans ton
taxi !
- Tu rentres ? Mais ton Marc Antoine….
- Du con, du gland de la bétaillère ?
- Euh ! excuse-moi …
- Il m'a gavé! Qu’il aille au diable, lui et ses bécasses !
Depuis, fort heureusement, mes neurones semblent avoir retrouvé momentanément une certaine régulation mais Je me demande quand même, si leur naturel condescendant ne masquerait pas une certaine concupiscence refoulée! Qu’en pensez-vous ?
Chloé