Le temps des marmottes
De chloé
Bien Lové au creux de sa maman, Hugo marmottait et n’entendait pas de sitôt mettre le nez dehors ! Oh il avait bien fait quelques essais, histoire de se dégourdir un peu les membres mais brrr ... La météo hivernale ne l’incitait pas à s’engager d’avantage !Tout ce blanc à l’extérieur, lui qui aimait tant être au vert, ne lui convenait pas du tout et puis, il n’était pas prêt ! Il attendrait donc bien au chaud , le chant du coucou et l’arrivée du printemps !
Mais les lois de la nature humaine en décidèrent autrement et Hugo vit le jour en février, après neuf mois, bien calfeutré dans l'antre de sa maman! Quelle drôle d’idée ! Quel était donc l’inventeur de cette règle imbécile ? Neuf mois ! Y avait-il urgence à le tirer ainsi, sans le moindre ménagement, de son nid tout douillet ? Il le savait lui, qu’il n’était pas prêt, ce n’était pourtant pas sorcier à comprendre !
Dans ce monde tourbillonnant qui allait bien trop vite pour lui, Hugo malgré toute l’attention et l’affection que lui portaient ses parents et les efforts qu’il faisait , n’arrivait pas à rattraper ce temps précieux, qui lui avait manqué pour être grand et fort ! Ah ! Si seulement , comme les éléphants , on lui avait donné tout loisir de se préparer, il serait à présent costaud et non efflanqué comme les arbres dévêtus de l’hiver ! Ses bras et jambes, sollicités trop tôt, ne seraient pas restés ensommeillés ! Mais dame nature en avait voulu ainsi et comme disait si bien son papa, elle avait sûrement ses raisons même si celles-ci pour l’instant, lui échappaient totalement !
"Tu n’es pas un petit bonhomme ordinaire voila tout, rajoutait-il! C'est cette différence qui fait de toi quelqu’un d’extraordinaire ! Une pierre précieuse, une couleur unique et exceptionnelle !"
La formule lui plaisait mais, ceci dit, elle ne lui rendait pas la vie facile la mère nature et ne se coltinait pas les camarades quand ils le chahutaient!
« Arrête de lambiner, pédale » lui criait sans cesse son frère lorsque les copains les doublaient en vélo sur le chemin de l’école. « Grouille toi un peu, tu as l’air d’une marmotte endormie, on va être à la bourre ! »
« Eh la marmotte, la marmotte ! reprenait en cœur le peloton, se moquant une fois de plus de sa lenteur et de son air assoupi ! Allez hue ! Go ! rajoutait le grand Lulu , voulant sans doute faire de l’esprit! Le premier arrivé à gagné !
Evidemment, Gustave son nigaud de frère, s’empressait de relever le défi , le laissant en plan, comme d'habitude, avec son tricycle sur le bord de la route !
Ah, quelle bande de « nazes » se disait alors Hugo, habitué à ce genre de blagues complètement foireuses ! Décidément, le monde des humains ne brillait pas toujours par son intelligence !
PFTTTT ! Que connaissaient-ils ces sagouins en culottes courtes, des marmottes? Avaient-ils seulement pris le temps de les regarder, ne serait-ce qu’une seule fois, eux qui toujours le nez dans le guidon, fonçaient tête baissée dans n’importe quoi, confondant vitesse et précipitation?
Chapitre 2: Une "marmothomme"
Qu'importe! Il les aimait bien lui les marmottes avec leurs grands yeux noirs, leur pelage argenté et leurs oreilles toutes rondes ! Contrairement à ce qu'ils pensaient , elles étaient loin d’être mollassonnes et stupides ! Savaient-ils seulement que ces petites souris des montagnes, n’avaient pas leurs pareilles pour bâtir leurs maisons ? Qu’elles étaient de très grandes architectes ? Non bien sûr que non, ils n’en avaient aucune idée car comme Gustave, tous préféraient les jeux vidéo ou les courses poursuites en VTT, à la couleur des papillons ! Eh bien lui, il le savait ! Des heures durant, il les avait regardées creuser tunnels et galeries, déplacer courageusement malgré leurs petites tailles, des montagnes de terre ! Jour après jour, pièce par pièce, il les avaient vues s'atteler à la tâche, construire prévoyantes, une entrée principale bien dégagée, pour que l’accès soit facile à toute la famille puis, successivement , une chambre pour se reposer et élever les petits, soigneusement tapissée d’herbes sèches ; des toilettes afin de déposer leurs déchets ; des issues de secours leurs permettant de fuir en cas de danger…
Il en avait passé du temps dans l'enceinte de la grande bibliothèsue familiale à feuilleter livres et revues ou à regarder des émission de télé sur le sujet et puis avec son père, au cours de longues promenades , Hugo les avaient si souvent observées. Il en connaissait un rayon Edouard et l’avait toujours amené partout !
Passionné de faune, de flore, de pêche et de champignons, son papa lui avait appris chaque coin de terre, chaque variété de fleurs, chaque espèce ! Tous deux, pouvaient rester des heures immobiles à épier la truite en rivière, captivés de la voir défendre si vaillamment son territoire ; s’extasier de la même manière face à une fourmilière, contemplant admiratifs le travail difficile réalisé par cette armée de petites ouvrières ; reconnaître les yeux fermés, les grognements et sifflements du castor, les claquements de sa queue sur l’eau …
Pourtant, le monde animal avait encore bien des choses à leurs apprendre et lui Hugo se sentait tellement loin parfois des humains et tellement proche de cette vie parallèle, un peu secrète et souterraine, où chacun vivait à son rythme! … Oh, il aurait pu en parler des heures sans jamais s'épuiser, tant il était fasciné, mais qui l’aurait écouté ? Sûrement pas ses copains qui détalaient comme des lapins ! A peine aurait-il ouvert la bouche , que tous auraient été à cent lieux à la ronde avec leurs vélocipèdes !
C’est vrai que la marmotte, réflexion faîte, lui ressemblait beaucoup, à moins que ce ne soit l'inverse ! Elle aussi était un peu balourde et solitaire ! Comme lui, elle lambinait, rêvassait, sommeillait mais , n’était-elle pas en même temps, très futée, curieuse de tout ! Ces petites bâtisseuses bossaient quand même durement six mois de l’année pour y arriver ! Fallait pas l’oublier !
Et si, il était bel et bien une marmotte égarée dans le monde compliqué des humains! Dame nature avait très bien pu se tromper à son sujet, comme dans l’histoire du vilain petit canard ! Comment le savoir? Il devait bien avoir lui aussi une bonne fée qui saurait le renseigner et lui donner la formule magique pour que ces deux mondes soient enfin réunis !
Peut être même qu'il existaient quelque part sur la terre, plein de "marmothommes" qui étaient tout comme lui ! Ben quoi, ça n'était pas idiot! Y'avait bien des korrigans dans les landes bretonnes, des toutes petites personnes coiffées d'un chapeau plat, avec des pieds de boucs, des sabots de fer et des griffes de chats ! Même qu'il avait cru les apercevoir dans la forêt de Brocéliande, quand ils étaient en vacance chez mamie Fernande et chez papy Henry ! Non, ça n'était idiot ! Pourquoi n'y aurait-il pas des marmothommes , mi petits hommes et mi marmottes , avec des grands yeux noirs plein de sommeil, des oreilles toutes rondes et de jolies dents en avant? Et puis les marmothommes c'était un mot qui sonnait joliment à l'oreille !
Pas de doute, elle était là l'explication ! Comment n'y avait-il pas penser plus tôt!
Il la trouverait sa bonne fée !
Chapitre 3 : Même pas peur !
Alors Hugo se mit à la recherche de sa bonne fée !
Ah ! Ah! Ils allaient être bien surpris les copains quand ils sauraient qu’il était un « marmothomme » ; qu’il avait des pouvoirs magiques comme les Korrigans ! Lui aussi allait avoir sa bande et les nazes n’avaient qu’à bien se tenir ! ! Même pas peur ! ! D’un naturel habituellement doux et gentil, il pouvait à son tour, tel un hérisson fâché, se mettre terriblement en boule et avoir le poil dur et piquant ! Gare à celui qui ne le croirait pas! Il n’avait d’ailleurs jamais eu sa langue dans sa poche le petit Hugo, même si tous couraient plus vite que lui!
Faut dire, qu’Hugo avait appris très tôt à se débrouiller par lui-même et à faire face aux taquineries de ses camarades ! Jeanne et Edouard, tous deux instituteurs, ne l’avaient en rien cocooné, comme il aurait pu être tentés de le faire pour le protéger mais l'avaient au contraire, toujours encouragé à aller de l'avant! Sans gommer sa fragilité, sa différence, ne laissant jamais ses questions sans réponses, ils l’avaient éduqué comme son frère Gustave et avaient eu à son égard les mêmes exigences ! A aucun moment ils n’avaient fait de lui une sorte de singe savant en disant « voyez notre fils, il est loin d’être idiot, regardez ce qu’il sait faire ! Jamais également, ils n’avaient posé sur lui un regard condescendant, pesant qui aurait fait de lui un fardeau ! Non Jeanne et Edouard, s’étaient contentés d’être des parents aimants, justes et à l’écoute ! Ils lui avaient enseigné les choses simples de la vie !
« A l’impossible nul n’est tenu Hugo, lui disaient-ils souvent, mais tout ce que tu peux faire par toi-même, tu dois l'essayer, sans attendre que quelqu’un d’autre le fasse à ta place ! Qu’importe le temps que tu mettras, tu as tout la vie devant toi !
Finalement, ça n’était pas si mal d’être un petit garçon ! Il les aimait ses parents et n’envisageait pas vraiment de les quitter et encore moins de leurs faire de la peine ! Il ne détestait pas non plus les copains même s'ils le titillaient un peu, beaucoup, quand même! A vrai dire, entre eux, ils ne se faisaient pas non plus de cadeaux! Heu ! De son côté, fallait dire aussi, qu'il n' était pas le dernier à allonger la sauce en traitant le Lulu de gros lard , son frère de tranche de cake et le petit Hubert de face de rat !
En fait, ce qui pesait le plus à Hugo, ce n’étaient pas tant ces petites chamailleries qui au fond , l'amusaient même assez et le mettaient sur la même ligne que les copains ! Non, ce qui le chagrinait vraiment, c’était sans doute de n'avoir rien d'autre à partager avec eux : ni ses rires, ni ses histoires, ni ses ballades, ni ses jeux, ni ses peines… D'être à part en quelque sorte et de ne ressembler à personne!
Hugo ne voulait plus être unique, être cette pierre précieuse et rare dont lui parlait son papa ! Il rêvait juste d’être un enfant bien ordinaire , au milieu d' autres enfants tout aussi ordinaires
Mais tout ça, il le savait, allait bientôt arriver ! Questions de jours, d’heures peut être...
Chapitre 4 :le rêve
Mais les jours passaient et rien ne changeait dans la vie d’Hugo : pas la moindre fée à l’horizon ; pas de formule magique et toujours personne pour partager ses rires, ses ballades, ses histoires, ses jeux, ses peines …
Une nuit, il fit un drôle de rêve !
Alors qu’il se promenait seul dans la montagne, il vit la maman marmotte grelottante, postée devant son terrier, comme figée dans le froid de l’hiver ! Que faisait-elle là toute seule, hors de sa saison !
Le voyant s’approcher, Dame marmotte se dressa comme un pic sur ses deux pattes arrière telle une guerrière voulant donner l’assaut! Elle poussa un cri si aigu qu’Hugo surpris, fit un bon en arrière !
- Va –t’en ! Retourne chez toi, lui lança t-elle menaçante, tu n’as rien à faire ici !
- Mais voyons, c’est moi, lui dit-Hugo en songe, peiné de la voir si peu aimable alors qu’elle était toujours douce comme de la laine ! C’est moi, le petit marmothomme ! C’est l’hiver ! Je m’en viens marmotter !
- Marmothommes ! Marmothommes ! Connais pas, marmonna t-elle, un peu radoucie mais toujours sur ses gardes ! Nul ne doit approcher de ce terrier !
- Mais enfin, regarde bien ! c’est moi, Hugo » insista t-il !
- Hugo? Reprit-elle surprise et quelque peu embarrassée de l’avoir sans doute si mal accueilli ! Mais que fais tu là, à cette heure si tardive de la nuit, accoutré de la sorte ? Je ne t’avais pas reconnu !
- C’est que... répondit-il hésitant, je suis un marmothomme à présent, moitié petit garçon et moitié marmotte ! Je viens rejoindre les miens, pour hiberner !
- Hugo mon petit, ne soit pas ridicule, reprit-elle attendrie ! Tu n’as rien d’une marmotte et tes parents vont s’inquiéter! Seule une petite souris pourrait rentrer dans ce trou et toi tu es bien trop grand pour ça ! Ta place n’est pas ici! Retourne vite chez toi et nous nous reverrons au début du printemps !
Puis dame marmotte disparût dans la nuit et Hugo se réveilla en sursaut !
Chapitre 5
La formule magique
Au petit matin, les larmes plein les yeux, Hugo désespéré, se confia à son père ! Comprenant son chagrin et toute sa solitude, Edouard l’écouta attentivement !
- Ne sois pas inquiet mon Hugo, lui dit –il bouleversé, avec infiniment de tendresse dans la voix, tous les enfants ont une bonne fée qui veille sur eux ! Même si tu ne la vois pas, elle est là près de toi et t’écoute ! Ait confiance mon garçon, car existe de par le monde, plein d'enfants un peu lents et tout ensommeillés comme toi, je le sais ! Sois patient, tu les rencontreras !
- Alors je ne suis pas unique s’exclama Hugo soulagé !
- Tu ne l’es pas fiston sauf seulement pour nous tes parents, comme peut l’être ton frère ! Tu es un diamant brut et lui une émeraude ! C’est juste une manière de te dire combien tu comptes pour nous ! Une image, des mots qui sonnent doux à l’oreille, comme tes marmothommes !
- C’est moi qui l’ai trouvé répliqua t-il fièrement! C’est très joli n’est ce pas ?
- Un mot qui réunit deux mondes, c’est vrai que c’est joli Hugo, mais tu n’as rien d’une marmotte et est un petit garçon!
- Je sais papa, dame marmotte me l’a dit ! Puis je quand même le garder !
- Soit ! Va pour les marmothommes mais ce sera juste une image, comme le diamant brut et l'émeraude !
- Oui papa, juste une image!
- Carpe diem quam minimum credula postero mon Hugo -ce qui signifiait « accueille le jour et ne cherche pas à accélérer le temps ou à précipiter les choses »-
- Qu’est ce que c’est, questionna Hugo ?
- La formule magique mon fils ! Ne la cherchais- tu pas? Tu dis cette phrase tous les matins en commençant ta journée et tu verras, elle t’ouvrira une à une, toutes les portes ! Sois patient!
- C’est la fée qui te l’a dit ?
- Non, juste mamy Fernande quand j’étais tout petit ! C’était un peu une fée tu sais, tout comme l’est ta maman !
Carpe diem ! Carpe diem ! répéta joyeusement Hugo pour ne pas oublier, se sentant soudainement pousser des ailes ! Carpe Diem....
Il l’avait enfin sa formule magique !
Chapitre 6
Et Hugo accueillit le jour.
Pas facile tout de même à mémoriser et encore moins à dire pour un petit garçon de six ans, ce « carpe Diem quam minimum crédulo postéro » mais Hugo s'appliqua . Tous les matins, comme lui avait conseillé son père, il la répéta avec ferveur et l'a retenue!
Cette phrase en latin tintinnabula alors dans sa tête comme une sorte d’abracadabra féerique, de cézam ouvre toi, le mettant d'humeur sautillante pour le restant de la journée!
Hugo eût raison d'être patient car quelque jours plus tard, alors qu'il se promenait au parc avec ses parents il aperçut une petite fille avec de magnifiques grands yeux noirs ensommeillés , des oreilles toutes rondes et de jolies petites dents en avant!
Sa fée l'aurait-elle entendu et son voeu allait-il être enfin exaucé?
- Papa, papa s'exclama t-il , regarde là bas en train de jouer sur la cage d'écureuil, une petite marmothomme!
- Une marmothomme? Reprit sa mère interrogative.
- Une vraie de vraie, pour sûr, affirma Edouard en jetant un regard complice à son fils!
- Mais enfin, quelqu'un peut-il m'expliquer ce qu'est une marmothomme? Demanda à nouveau Jeanne mi amusée et mi agacée de n'être pas dans la confidence
- Un diamant brut répondirent-ils d'une même voix!
- Pourquoi n'irais tu pas jouer avec elle afin de faire connaissance? Suggéra son père. Carpe diem fiston, carpe diem!
Et Hugo accueillit le jour et fit la connaissance d'Emilie!
- Es tu toi aussi une marmothomme comme moi? Lui demanda t-il alors qu'ils jouaient ensemble.
- C'est possible, lui répondit -elle ! ça sonne doux à l'oreille! Qu'est ce que c'est?
Alors Hugo lui expliqua dans les moindres détails, l'histoire des marmottes, ses rêves, le diament brut , la formule magique... Emilie fascinée, l'écoutait, lui posait des questions et se racontait à son tour.
Au moment de partir la maman d'Emilie parla longtemps avec les parents D'Hugo et ravis de pouvoir prolonger leurs jeux, ils ne se soucièrent pas de ce qu'ils se racontèrent.
- Alors tu l'es ? Questionna à nouveau Hugo.
- Pour sûr que je le suis Hugo ! Une vraie de vraie!
Ils se revurent souvent au parc puis chez l'un, chez l'autre et tous deux purent partager leurs rires, leurs histoires, leurs jeux , leurs peines ... La maman d'Emilie devint elle aussi amie avec jeanne et Edouard!
A la rentrée suivante, Hugo changea d'école et retrouva Emilie et plein de marmothommes tout comme eux. Les nazes n'avaient plus qu'à bien se tenir car lui aussi avait sa bande et cela promettait une ambiance joyeuse et animée dans le village! Carpe diem! carpe diem entonnèrent -ils tous ensemble en cri de ralliement ! La guerre des boutons pouvait enfin commencer!
Chloé
Petit clin d'oeil aux marmottes